Charles Genequand
Parlant, dans son ouvrage sur L’Acquisition du bonheur, de la connaissance démonstrative, autrement dit de la philosophie théorique, le philosophe al-Fārābī (m. 950) écrit ceci :
Cette science est la science première et la plus parfaite. Elle sert à l’accomplissement de l’homme qui est le bonheur suprême. Elle existait autrefois chez les Chaldéens, qui sont les habitants de l’Iraq, puis elle passa chez les habitants de l’Égypte, puis fut transmise aux Grecs et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle fut transmise aux Syriens, puis aux Arabes. Tout ce que contient cette science fut exprimé dans la langue grecque, puis dans la langue syriaque, puis dans la langue arabe. Les Grecs qui possédaient cette science la nommaient «Sagesse» absolument et «sagesse suprême». Ils appelaient son acquisition savoir et la disposition de celui qui la possède philosophie, ce qui signifie la préférence accordée à la sagesse suprême et l’amour de celle-ci. Ils appelaient celui qui l’a acquise philosophe, ce qui signifie celui qui aime et préfère la sagesse suprême. Ils considéraient qu’elle est en puissance toutes les vertus et l’appelaient savoir des savoirs, mère des savoirs, sagesse des sagesses et art des arts. Ils voulaient dire ainsi l’art qui englobe tous les arts, la vertu qui englobe toutes les vertus et la sagesse qui englobe toutes les sagesses[1].
L’auteur poursuit en expliquant qu’on peut parler de sagesse dans un sens relatif dans les domaines des arts et des vertus, mais que la sagesse absolue est la sagesse théorique. On reconnaît aisément dans cette classification l’écho la tripartition aristotélicienne entre connaissance théorique, pratique et productive. Il ajoute un peu plus loin, et c’est la conclusion de l’ouvrage :
La philosophie que nous venons d’exposer nous est parvenue des Grecs, de Platon et d’Aristote. En nous donnant la philosophie, l’un et l’autre nous ont aussi donné les voies qui y conduisent et les voies qui conduisent à son établissement lorsqu’elle a été abandonnée ou qu’elle a péri[2].
Cette sagesse suprême aurait donc son origine chez les Chaldéens. On pourrait évidemment soupçonner chez al-Fārābī, établi en Iraq quoique originaire d’Asie Centrale, une arrière-pensée patriotique, voire opportuniste, lorsqu’il souligne le caractère endogène et indigène de la philosophie qui commençait à son époque à faire l’objet d’attaques de la part de ceux qui défendaient une conception purement arabe et islamique du savoir contre les sciences étrangères perçues comme invasives. Mais il pouvait aussi s’appuyer sur des éléments appartenant à la tradition philosophique qu’il voulait défendre. Les Grecs ont parfois attribué aux peuples orientaux une sagesse aussi ancienne, et partant aussi profonde, que leur histoire. Lorsque Solon évoquait devant un prêtre égyptien le déluge et les récits les plus anciens de la tradition grecque, ce dernier se moqua de lui en lui disant : «Vous autres Grecs êtes toujours des enfants[3].» C’est d’ailleurs un fait avéré que certaines connaissances mathématiques et astronomiques en particulier viennent de l’Orient ancien : leurs traces sont encore perceptibles dans notre calendrier, dans les noms des planètes et des constellations. Cette conviction s’exprime de manière emblématique dans un passage central de la Métaphysique d’Aristote :
Une tradition laissée à la postérité par l’antiquité la plus reculée sous forme de mythe dit que ces astres sont des dieux et que le divin enveloppe la nature tout entière. Le reste a été ajouté par la suite, sous forme de mythe, pour persuader la multitude et pour servir les lois et l’intérêt commun. On dit, en effet, que les dieux sont de forme humaine et semblables à certains des autres animaux […] Si on en sépare le premier point pour ne retenir que lui, c’est-à-dire la croyance que les premières substances étaient des dieux, on pourra penser que cela a été divinement dit et que, chaque art et chaque philosophie ayant vraisemblablement été découverts autant qu’il est possible plusieurs fois et à nouveau perdus, ces opinions d’il y a bien longtemps ont été sauvegardées, comme des vestiges, jusqu’à maintenant. Donc l’opinion ancestrale, celle qui vient des premiers penseurs, est, dans cette mesure seulement, évidente à nos yeux[4].
Aristote rassemble dans ce passages plusieurs idées dont le lien n’est peut-être pas immédiatement évident. La nature divine du monde céleste et sa fonction de principe à l’égard du monde sublunaire est une vérité déjà découverte par l’humanité la plus ancienne mais qui s’est dégradée avec le passage du temps et ne subsiste plus qu’à l’état d’images et de symboles inadéquats. D’autre part, cette vérité, tout comme beaucoup d’autres connaissances, a dû être perdue et redécouverte un grand nombre de fois au cours de l’histoire humaine. La conception cyclique de l’histoire qui sous-tend cette idée est dominante chez les Grecs, en particulier chez Platon qui évoque les destructions périodiques de l’humanité causées par des déluges dont les rares survivants devaient leur salut au fait qu’ils s’étaient réfugiés sur les hauteurs et avaient ensuite pour mission de sauver les germes de la civilisation[5]. Elle repose sur un double fondement géologique et astronomique. D’une part, les Grecs, et les Arabes à leur suite, étaient conscients du fait que certaines parties de la terre avaient dû être occupées autrefois par la mer, comme en témoigne la présence de coquillages et de fossiles de poissons à de grandes distances des côtes. Ces changements climatiques avant la lettre étaient mis en relation avec des cycles astronomiques, soit celui de la précession des équinoxes, soit la « grande année » au terme de laquelle toutes les planètes se retrouvent dans le même alignement, les deux phénomènes n’étant d’ailleurs pas toujours clairement distingués[6].
Dans la mesure où Aristote en particulier affirme de la manière la plus explicite l’éternité du monde et des espèces animales, il pouvait considérer qu’un tel processus s’était répété un nombre infini de fois. Il n’en va pas de même pour des hommes vivant dans un contexte monothéiste et créationniste. C’est ainsi qu’Averroès, lorsqu’il commente dans son Grand Commentaire le passage d’Aristote, lui donne un contenu historique beaucoup plus précis :
Comme Aristote était le premier des hommes de son temps à percevoir ce principe et que personne ne l’avait précédé dans cette théorie, il en appelle au témoignage de maximes anciennes héritées des Chaldéens, dont on pense que la sagesse était déjà accomplie chez eux, mais ce qui est resté de ces discours a pris la forme de symboles…Les allégories et symboles que l’on trouve dans ces corps célestes, à l’exception de ce qui a été transmis des Chaldéens, sont de purs symboles qui ne contiennent aucune vérité[7].
C’est une conception similaire de l’ancrage céleste de la connaissance et du caractère cyclique de son développement, avec d’intéressantes variations, que l’on trouve dans une série de témoignages dont l’un, celui d’Abū Sahl b. Nawbaḫt, astrologue du calife Abbasside al-Manṣūr, nous a été transmis par Ibn al-Nadīm[8] (m. 995 ou 998). Selon lui, l’astrologie, qui permet de connaître les événements avant qu’ils ne se produisent, dérive de sciences et de livres élaborés par les gens de Babylone, de qui les Égyptiens et d’autres peuples les ont à leur tour reçus. Après une période de déclin et d’ignorance, les sciences renaquirent sous le roi iranien Djem. Une nouvelle éclipse de la civilisation fut ensuite causée par l’invasion d’Alexandre, roi de Macédoine, qui fit brûler tous les livres écrits en persan après avoir fait copier et envoyer en Égypte ce qui l’intéressait[9]. Il faut attendre ensuite les souverains de la dynastie des Sassanides, au premier rang desquels Ardashir, Shapour et Chosroès, pour envoyer en Inde, en Chine et à Byzance des missions chargées de récupérer ce précieux héritage.
Le récit d’Ibn Nawbaḫt reprend l’idée d’une origine babylonienne des sciences, en particulier l’astrologie et de leur transmission aux Grecs et à d’autres nations via l’Égypte, mais s’en distingue en attribuant leur disparition à une cause militaire et non plus naturelle, et en accordant aux Iraniens un rôle essentiel dans leur renaissance et leur préservation. Sous le voile d’un certain nationalisme iranien, à mettre en relation avec le mouvement littéraire de la šu‘ūbiyya[10], ce qui se profile ici est un thème apologétique récurrent visant à expliquer le naufrage à peu près complet de la littérature de langue perse antérieure à l’islam en faisant d’Alexandre le méchant de la fable, celui qui aurait volontairement et systématiquement détruit la culture de ses ennemis. Or, s’il est bien question chez les historiens d’un incendie ravageur de Persépolis, il semble avoir été accidentel, et l’on sait que le conquérant macédonien s’était donné pour mission, tout au contraire, d’opérer la fusion de la culture grecque et des traditions orientales. Il serait bien étonnant, quoi qu’il en soit, que tous les livres de l’immense empire achéménide eussent été rassemblés en un seul lieu, fût-ce la capitale. Il y en avait d’ailleurs plus d’une, les rois perses ne résidant pas en permanence au même endroit. Mais ce genre de récits, circulant au début de la période islamique, avait probablement aussi une finalité plus actuelle, voire opportuniste : il s’agissait de justifier aux yeux des nouveaux maîtres de l’Iran l’absence chez les mazdéens d’un Livre comparable à ceux des juifs et des chrétiens, condition d’accès au statut enviable de religion protégée. Les textes zoroastriens n’ont en effet pas exactement le même statut d’écriture révélée, et certains n’ont été consignés par écrit, et pour la même raison, qu’après la conquête arabe.
Le même Ibn al-Nadīm cite immédiatement après un autre texte qui constitue une sorte de variante du premier, et c’est de toute évidence à ce titre qu’il les juxtapose. Ce deuxième mythe de la transmission du savoir a pour auteur Abū Ma‘šar al-Balḫī, astrologue célèbre postérieur d’un siècle à Ibn Nawbaḫt et comme lui d’ascendance iranienne comme l’indique son nom de Balḫī (originaire de Balkh, aujourd’hui en Afghanistan). Selon son récit les rois de Perse ont cultivé les sciences et les ont protégées contre les catastrophes naturelles. Ce sont eux qui ont découvert les qualités de solidité et de durabilité de certaines plantes et en ont fait le support de l’écriture, imités en cela par les Indiens et les Chinois[11]. Recherchant ensuite le climat le plus propice à éviter la décomposition, leur choix se porta sur Ispahan ; les précieux manuscrits furent placés dans une cave voûtée où ils furent préservés jusqu’à l’époque d’Abū Ma‘šar, lorsqu’un effondrement en révéla l’existence. Ils étaient rédigés en écriture persane ancienne et étaient en partie l’œuvre de Ṭahmūraṯ, roi amateur de savoir, et contenaient une science antédiluvienne. C’est en l’an 231 de son règne que se produisit le cataclysme que les astrologues avaient prévu. Ces livres contenaient aussi des méthodes de calcul astronomique utilisées non seulement par les Perses anciens, mais aussi par les Indiens et les Chaldéens de Babel[12].
Ibn al-Nadīm n’est pas dupe de ces fables. Le terme de ḥikāya (conte) auquel il a recours pour les désigner, au lieu de ḫabar qui désigne habituellement une information historique, le démontre suffisamment. Dans un post-scriptum, il explique qu’en 350 (de l’hégire = 960 de notre ère), une voûte s’étant effondrée à Ispahan, on découvrit des manuscrits que personne ne put lire dans un premier temps. Toutefois, certains fragments ayant été envoyés à Bagdad, un chrétien avait pu les examiner et découvrit qu’ils étaient en grec et contenaient les noms de soldats avec le montant de leur solde[13]! Le caractère idéologique de ces récits ressort clairement de la confrontation avec d’autres témoignages qui montrent que les Arabes disposaient sur les peuples anciens de connaissances historiques vagues, certes, mais plus exactes. C’est ainsi que Ṣā‘id al-Andalusī[14] place les Indiens au premier rang des peuples ayant cultivé les sciences. Il nomme en second lieu les Perses et loue le gouvernement des Sassanides tout en se gardant bien de leur attribuer le moindre rôle dans le développement des sciences. Le contraste est d’autant plus frappant que l’on retrouve chez lui d’autre part le préjugé astrologique qui caractérise les témoignages rassemblés par Ibn al-Nadīm.
Malgré leur caractère ostensiblement fabuleux et apologétique, avec leur volonté d’exalter la tradition nationale de l’Iran, et les Sassanides en particulier, de tels récits ont néanmoins préservé la trace d’une vérité importante. L’intérêt que les rois sassanides, comme leurs successeurs abbassides, ont pu ressentir à l’égard des connaissances scientifiques et philosophiques était essentiellement utilitaire et se limitait à la médecine et à l’astrologie, la fiabilité de cette dernière n’étant guère remise en question. C’est en particulier au moment de la fondation d’une ville que l’on accordait une grande attention aux configurations célestes favorables censées assurer la prospérité future de la nouvelle création. Ce fut le cas pour Le Caire avec les Fatimides, cela avait été autrefois le cas d’Alexandrie selon les historiens arabes, et ce fut le cas pour Bagdad avec al-Manṣūr et ses astrologues dont Ibn Nawbaḫt, dont il est significatif qu’il soit précisément l’auteur du récit que l’on vient de rappeler. George Saliba[15] a souligné cet aspect d’apologie pour l’astrologie que présentent ces textes. Ce n’est toutefois pas le seul, ni même le plus important : l’aspect politique est clairement prépondérant. Ils contiennent aussi un grain de vérité historique, et on ne peut manquer d’être frappé par l’importance de la place que tient l’astrologie dans l’œuvre du premier philosophe arabe, al-Kindī (m. vers 870), contemporain et ami d’Abū Ma‘šar. En cela, il est bien l’homme de son temps et ses successeurs, à commencer par al-Fārābī, non seulement ne l’ont pas suivi sur ce point, mais se sont évertués à réfuter les présupposés de l’astrologie. Les informations assez précises que nous possédons sur les ouvrages philosophiques et scientifiques traduits du grec en persan sous les Sassanides, en nombre infime, font état précisément de traités astrologiques, dont l’importance est minime en comparaison des ouvrages d’astronomie indiens d’un caractère plus scientifique parvenus à l’arabe par l’intermédiaire du pehlvi. Pour le reste, leur rôle de traducteurs et de transmetteurs s’est confiné à des ouvrages de nature purement littéraire et de divertissement, dont les deux plus célèbres sont les fables animalières de Kalīla et Dimna et les contes qui donneront naissance en arabe aux Mille et Une Nuits. On peut y ajouter quelques textes pouvant servir de support à l’idéologie royale, tel le Roman d’Alexandre (grec)[16] et le noyau original du Livre de Bilawhar et Būdāsaf (sanscrit)[17]. Le moyen perse est une langue dont la diffusion, hors de l’Iran proprement dit, est restée circonscrite aux cercles royaux et sacerdotaux[18] A cela se limite la prétendue « culture de la traduction » des Sassanides qui n’a de toute évidence aucun titre à être présentée comme précurseur du mouvement qui fleurira sous les Abbassides[19]. Les raisons de cette préférence accordée à la littérature pure sur la science tiennent sans doute aussi pour une part à la nature même de la langue persane, plus poétique qu’abstraite. On ne peut manquer d’être frappé à cet égard par le très petit nombre d’ouvrages philosophiques écrits en persan pendant la période islamique par rapport au nombre considérable de savants dont manifestement c’était la langue maternelle. Pour l’époque de l’Iran anté-islamique, cette situation est préfigurée dans la place occupée par l’araméen, sous sa forme dite syriaque, comme langue véhiculaire et langue de culture. La très proche parenté des deux langues a évidemment constitué un facteur important dans la facilité avec laquelle s’est opéré le passage de l’une à l’autre.
Si le pouvoir sassanide, à la possible exception de Khosro Anushirwan sur laquelle on reviendra, n’a joué aucun rôle direct et volontariste dans la transmission du savoir, il n’en reste pas moins que c’est la politique qu’il a menée, et le seul fait de la domination qu’il a exercée pendant plusieurs siècles sur des territoires s’étendant de la Syrie à l’Asie Centrale, qui a créé les conditions rendant possible des échanges culturels sur une échelle inconnue depuis l’apogée de l’empire romain. Aux antipodes de la bigoterie de Byzance imposant aux communautés des chrétiens d’Orient un carcan dogmatique et hiérarchique de plus en plus étriqué au fil d’une série de conciles dans lesquels la majorité des croyants ne se reconnaissait pas, les Sassanides n’ont jamais cherché à imposer le zoroastrisme, religion ethnique, à leurs sujets non iraniens. Leurs rapports avec elle semblent même être toujours restés relativement lâches, et il est inapproprié de parler à ce sujet de «religion d’état » comme on le fait souven[20]. Avec beaucoup d’habileté, ils ont su exploiter les erreurs de leurs ennemis byzantins à leur profit. Contrairement à tant de régimes modernes s’efforçant de bannir les éléments de leur population supposés hétérogènes, ils ont, à la suite de leurs victoires contre les Romains, massivement importé des communautés entières dont les compétences et les activités étaient susceptibles de favoriser la prospérité de leur empire. De telles déportations sont attestées du règne de Shapour I (env. 240-270) à celui de Khosro Anushirwan (Chosroès, 531579)[21]. Elles ont contribué à accentuer le caractère multi-culturel des territoires contrôlés par l’état sassanide, qui était déjà un fait établi depuis la conquête d’Alexandre. Nous ne faisons dans ce qui suit que rappeler à grands traits quelques exemples bien connus de cette situation.
La ville de Gondeshapur, au sud-ouest de l’Iran, fut fondée par Shapur I qui y établit des prisonniers grecs. Au moins à partir du règne de Khosro Anushirwan elle fut le siège d’une tradition médicale vivace, fondée en particulier sur l’œuvre de Galien, et dont les principaux représentants appartenaient tous à une même famille, celle des Baḫtishū‘. C’étaient des chrétiens nestoriens forcés de fuir les territoires byzantins où leur foi était persécutée depuis le concile d’Éphèse (431). Leur école et leurs compétences furent transférées par le calife abbasside al-Manṣūr à Bagdad, où l’on est en mesure de suivre leur histoire jusqu’au Xe siècle.
Un épisode célèbre illustrant le même type de rapports est celui de l’accueil par le même Khosro Anushirwan des philosophes platoniciens et païens d’Athènes contraints de quitter leur pays après la fermeture de l’Académie par Justinien en 529. Plusieurs d’entre eux, dont Simplicius, l’un des plus importants commentateurs des œuvres d’Aristote, séjournèrent à Ctésiphon[22]. On possède la traduction latine des réponses apportées par Priscien, un autre membre du groupe, aux questions que lui posa Khosro. Au cours de leur voyage, ils durent passer par Ḥarrān, dans la Haute-Mésopotamie, qui resta un centre de culture philosophique païenne jusqu’au règne d’al-Ma’mūn, et où l’intérêt pour l’astronomie et l’astrologie semble avoir été vif. Les sources islamiques sont remplies d’allusions à cette tradition et à ses membres, désignés par le nom fictif de Sabéens[23].
Deux figures intéressantes dans ce contexte, qui ont joué un rôle de lien entre la pensée grecque tardive et celle de l’époque islamique, sont Sergius de Resh Ayna et David l’Invincible. Tous deux ont étudié à Alexandrie auprès des derniers philosophes platoniciens et aristotéliciens de cette école. Le premier retournera après ses études dans son pays natal, également la Haute-Mésopotamie. Il est l’auteur de traductions et de traités personnels sur la logique, la physique et la cosmologie. Le second suivra une trajectoire similaire. Il a écrit, en grec et en arménien, des commentaires sur la logique aristotélicienne. Au-delà de ces deux auteurs, ce sont les deux traditions, arménienne et syriaque, dans leur ensemble qui présentent un parallélisme remarquable. On y trouve un cursus philosophique comprenant la logique élémentaire, de l’Isagoge de Porphyre aux Premiers Analytiques d’Aristote, ainsi qu’un résumé de la physique et de la métaphysique fondé sur le De Mundo pseudo-aristotélicien, et, pour le syriaque, Les Principes du Tout d’Alexandre d’Aphrodise[24]. L’éthique était connue à travers un autre traité faussement attribué à Aristote, le De Virtutibus et Vitiis[25]
Il faudrait encore mentionner Edesse, capitale du christianisme monophysite syriaque. La place de la Haute- Mésopotamie dans le mouvement intellectuel du VIIXe s. est frappante. Elle constitue un lien, certes pas le seul, dans la transition entre le monde antique et celui de l’islam, et l’itinéraire physique des philosophes athéniens dans leur exil a quelque chose d’emblématique. Les centres intellectuels de l’islam, au premier rang desquels se trouve évidemment Bagdad, sont leurs héritiers naturels. L’empire sassanide et son successeur le califat abbasside ont créé le milieu dans lequel le savoir a trouvé les conditions de son développement, ce qui ne signifie pas que le pouvoir politique soit intervenu directement et volontairement dans ce processus. On ne peut nier que Chosroès ait eu un intérêt personnel pour les sciences ; c’est beaucoup moins sûr dans le cas d’al-Ma’mūn. Le récit fameux de son rêve, dans lequel Aristote lui serait apparu et l’aurait incité à cultiver la philosophie, ressassé dans tous les travaux consacrés au mouvement de traduction de l’époque abbasside, n’est qu’une anecdote assez fade sans signification historique. Le passage à des langues différentes, araméen et arabe, s’est effectué naturellement et spontanément tout simplement parce que le grec a cessé d’être parlé, et très vite d’être compris. Si l’on cherche un paradigme à la « culture de la traduction » qui caractérise l’époque abbasside, c’est vers la tradition judéo-chrétienne qu’il faut se tourner, dont la version des Septante constitue le point de départ. Les juifs d’Alexandrie traduisirent la Bible en grec parce qu’ils ne comprenaient plus l’hébreu, et furent suivis par les chrétiens syriaques, arméniens, et beaucoup d’autres, dont la pratique contraste avec le strict monolinguisme théologique du zoroastrisme et de l’islam. C’est ainsi que le mouvement hellénisant qui marque la culture arménienne du VIe s. avec David l’Invincible est étroitement lié à la traduction de la Bible en arménien[26].
Les centres culturels dont on vient de parler ne constituent donc aucunement des « poches»[27] dans lesquelles la culture antique se serait miraculeusement conservée à l’état de fossile pendant que le reste du Moyen-Orient était submergé par une nouvelle barbarie. Il s’agit tout simplement de centres intellectuels ayant subsisté sans solution de continuité depuis l’antiquité. On sait qu’il en exista beaucoup d’autres, Apamée, Emèse (Ḥimṣ), Baalbek, Chalcis de Syrie. Il s’agit certainement d’un hasard si leurs noms n’ont pas subsisté à ce titre dans les sources arabes. Leur importance ressort néanmoins indirectement des noms de certains traducteurs d’œuvres anciennes, tels himsi ou ba‘labakkī, qui révèlent leurs origines. On comprend mieux, dès lors, que le mouvement de traduction ait commencé dès l’époque omeyyade, c’est-à-dire dès que l’arabe a pu fournir un instrument linguistique suffisamment riche, souple et précis. Il n’y a de ce point de vue aucune solution de continuité entre la période préi-slamique et l’islam, comme les historiens l’ont d’ailleurs reconnu depuis longtemps. Il est intéressant que les premiers textes traduits du grec en arabe aient été les lettres pseudo-aristotéliciennes sur la politique adressées à Alexandre. S’agissant de conseils donnés au souverain qui venait de conquérir la Mésopotamie et l’Iran, l’actualité du VIIIe siècle leur conférait un intérêt évident[28]. De plus, ces épîtres s’intègrent aisément dans une tradition sassanide de littérature sapientiale et politique dont elles ont peut-être assimilé certains éléments. Elles ont sans doute aussi bénéficié du succès que le Roman d’Alexandre auquel elles sont souvent rattachées connaissait en Orient et à la place qu’il a finalement assurée au conquérant macédonien dans la tradition nationale et épique de l’Iran.
Les trois auteurs que l’on peut considérer comme les fondateurs de la philosophie en langue arabe, al-Kindī, al-Fārābī et, dans une moindre mesure, al-Rāzī (vers 865-925), sont les héritiers et les bénéficiaires directs de ce que l’on a appelé la tradition diffuse du savoir[29]. Ils en ont conscience et se sont exprimés de manière explicite à cet égard. Al-Kindī s’est exprimé sur le caractère cumulatif et universel du savoir en des termes souvent cités:
Pour nous et pour les plus éminents de ceux qui se sont consacrés avant nous à la philosophie – des gens qui ne parlaient pas notre langue, il est clair que pas un homme, dans l’effort de sa recherche, n’a pu atteindre le vrai autant que le vrai l’exige, et que tous ensemble ne l’ont pas possédé ; mais chacun d’eux ou bien n’en a rien atteint ou bien n’en a atteint que peu de chose par rapport à ce qu’exige le vrai. Si donc on rassemble le peu qu’a atteint chacun de ceux qui ont atteint le vrai, la somme en est quelque chose d’imposant […] Tout cela n’a pu se rassembler que dans les siècles précédents qui se sont écoulés, siècle après siècle, jusqu’au temps qui est le nôtre, au prix d’une recherche intense, d’un effort constant, d’une fatigue assumée dans ce but[30].
Quant à al-Fārābī, il est l’auteur d’une relation, dont l’historicité a pu être à bon droit contestée dans ses détails, concernant le départ des derniers savants de l’école d’Alexandrie au moment de la conquête arabe. Ils se seraient rendus avec leur bibliothèque à Antioche, d’où leurs successeurs seraient à leur tour allés à Ḥarrān, avant que leurs derniers héritiers ne s’établissent à Bagdad et transmettent leur savoir aux maîtres directs d’al-Fārābī. Ici encore, sous le voile transparent de la fiction, c’est l’itinéraire mythique du retour aux sources, d’Égypte en Syrie et de Syrie en Iraq, qui s’exprime. On notera l’absence chez lui, aussi bien dans ce texte que dans celui cité en commençant, de toute référence à l’Iran. Cela n’enlève rien à l’exactitude des indications que fournit son témoignage sur l’aire géographique dans laquelle s’est opérée sans solution de continuité la transmission de l’héritage scientifique et philosophique de l’antiquité. Lorsque le traducteur Ḥunayn b. Isḥāq part à la recherche d’un manuscrit complet des Seconds Analytiques d’Aristote, c’est tout naturellement qu’il suit le chemin inverse : « J’ai parcouru pour le rechercher la Ǧazīra (Haute-Mésopotamie), toute la Syrie, la Palestine et l’Egypte jusqu’à ce que j’atteigne Alexandrie[31].»
Il est toutefois important de noter que les trois auteurs mentionnés ci-dessus sont extérieurs à cette tradition dans la mesure où ils ne sont pas chrétiens. C’est de manière volontariste et systématique qu’ils se sont efforcés de lui redonner vie par la recherche et l’étude des textes, donnant ainsi naissance à la voie érudite. Dans ce travail, ils se sont attachés la collaboration de chrétiens qui, pour des raisons évidentes, étaient le groupe chez qui la connaissance du syriaque et, dans une mesure plus difficile à déterminer, du grec s’était maintenue. Chacun a toutefois conféré une marque très personnelle à l’interprétation qu’il en a donnée. Al-Kindī a cherché à concilier la théologie métaphysique d’Aristote avec le créationnisme islamique, prolongeant ainsi l’entreprise du chrétien alexandrin Jean Philopon (env. 490-570). Al-Fārābī, outre un intérêt marqué pour la logique et les problèmes du langage, est l’auteur d’une utopie politique originale dans laquelle la cité idéale est modelée sur la structure de l’univers. Quant à al-Rāzī, surtout réputé comme médecin, son système philosophique apparaît comme une synthèse assez curieuse d’idées morales évoquant parfois l’épicurisme et d’une cosmologie où apparaissent des éléments platoniciens et gnostiques.
G. Saliba a proposé de voir dans l’efflorescence des traductions en arabe dès la fin du VIIIe s. le contrecoup social de la décision prise par les califes à partir de ‘Abd al-Malik d’arabiser le Dīwān[32]. Outre que cette théorie n’a pour base documentaire qu’une anecdote narrée par Ibn al-Nadīm à la suite de celles qu’on a rapportées plus haut et qui n’a pas davantage de valeur historique, on voit mal en quoi la tenue du registre des impôts ou du cadastre aurait pu constituer une préparation adéquate à la traduction de textes scientifiques très complexes, tel l’Almageste de Ptolémée, traduction dont Saliba souligne la qualité et l’intelligence critique exceptionnelles. C’est bien plutôt l’inverse qui s’est produit : l’arabisation rapide de l’empire islamique et le perfectionnement parallèle de l’arabe comme langue de culture écrite ont eu pour conséquence l’abandon du grec et du persan comme langues de l’administration aussi bien que de la science. Notons au surplus que le Dīwān n’a pas été traduit, mais qu’on a simplement cessé d’utiliser une langue au profit d’une autre. La thèse de Saliba aboutit de surcroît à faire du développement du savoir en islam une vulgaire stratégie d’ascension sociale, ce qui est hautement improbable étant donné la suspicion dont les sciences « étrangères » furent généralement l’objet. En réalité, tout indique que ce sont les philosophes eux-mêmes qui ont très consciemment cherché à ressusciter une tradition dont l’existence leur était connue, mais dont de larges pans avaient alors disparu. Le rôle d’al-Kindī dans la recherche, la traduction (par des intermédiaires) et le commentaire d’œuvres essentielles de la tradition grecque, telles la Métaphysique d’Aristote et les grands représentants du néoplatonisme, Plotin et Proclus, est bien connu. Al-Fārābī a bénéficié des connaissances du traducteur Mattā b. Yūnus, particulièrement dans le domaine de la logique. Mais le développement de la philosophie a été le fait de milieux restreints et dont rien n’indique qu’ils aient reçu, sinon très exceptionnellement, le moindre encouragement de la part des autorités politiques, des califes ou des fonctionnaires de l’Etat, les kuttāb. Lorsqu’ils ont été proches des grands, c’est généralement en qualité de médecins, parfois de vizirs.
Le schéma que l’on a tenté de mettre en évidence exprime cette situation de manière exemplaire sous son double aspect de continuité et de rupture. C’est un même courant qui va de Chaldée en Égypte, d’Égypte en Grèce, et finit par retourner dans la Chaldée islamique. C’est une même tradition, mais qui doit à chaque fois être retrouvée et réinventée au terme d’un effort soutenu. On a parfois parlé de la « Renaissance » de l’islam. L’expression est profondément trompeuse dans la mesure où elle suggère un parallélisme ou une analogie avec la Renaissance européenne qui se caractérise au contraire par la conception linéaire et unique qu’elle se fait d’elle-même et la volonté de décréditer et d’annuler tout ce qui a pris place dans la période intermédiaire. S’il est impossible de se méprendre sur la ressemblance que la falsafa présente à l’égard de la philosophie et de la science de l’antiquité et sur la continuité qui existe entre les deux traditions, elle en est en même temps radicalement différente. Cette idée de la rupture d’une tradition à réinventer chaque fois s’est révélée un modèle d’autant plus efficace qu’il faisait partie, comme on l’a vu, de cette tradition même.
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[1] Al-Fārābī, Tahsīl al-sa‘āda, p. 88-89 ; trad. p. 43.
[2] Ibid. p. 97 ; trad. p. 49-50.
[3] Platon, Timée 22b.
[4] Aristote, Métaphysique XII, 1074a38b14.
[5] Voir en particulier le début du livre III des Lois et le récit du prêtre égyptien dans le Timée (n. 2 ci-dessus).
[6] Voir sur ceci l’article de Callataÿ cité dans la bibliographie.
[7] Averroès, Tafsīr mā ba‘d al-tabī‘a, éd. M. Bouyges, t. III, p. 1688, 113 ; trad. anglaise Ch. Genequand, Ibn Rushd’s Metaphysics, p. 188189.
[8] Mort en 995 ou 998, il est l’auteur du Kitāb al-Fihrist, précieux panorama des sciences et des littératures de son époque. Je résume son texte, très diffus, dans les lignes qui suivent. Voir p. 299 ; trad. angl. p. 572-576.
[9] L’auteur pensait sans doute qu’Alexandre était le fondateur de la bibliothèque d’Alexandrie, tout comme on lui attribuait la construction du phare
[10] Mouvement faisant l’apologie des civilisations pré-islamiques, surtout l’iranienne.
[11] On ne s’étendra pas sur la grossièreté de l’imposture qui fait des Chinois les débiteurs de l’Iran pour ce qui est de la découverte d’un support pratique et durable de l’écrit !
[12] Ici encore je résume le texte qu’on trouvera p. 301 ; trad. p. 576-579.
[13] G. Saliba, Islamic Science, p. 37, voit bizarrement dans cette remarque une corroboration du récit d’Abū Ma‘šar, alors qu’il le contredit frontalement.
[14] Ṣā‘id al-Andalusī, Kitāb Tabaqāt al-Umam. L’auteur est mort à Tolède en 1070.
[15] Saliba, Islamic Science, p. 39.
[16] On donne le nom de Roman d’Alexandre à un ensemble de versions de l’histoire du conquérant macédonien enrichies de nombreux épisodes fabuleux. Les versions latine et française médiévales portent la marque impossible à méconnaître des versions orientales, sans qu’on puisse dire par quels canaux s’est opérée la transmission à l’Occident. On pourra se référer pour se faire une idée de l’influence exercée par cette œuvre au volume édité par M. Bridges et J. Ch. Bürgel cité dans la bibliographie.
[17] Il s’agit du livre qui connut une grande popularité en Occident, à travers l’arabe et le grec, sous le titre de Barlaam et Josaphat. L’histoire se retrouve dans La légende dorée. Pour une première orientation on pourra consulter l’article de T. Bräm cité dans la bibliographie.
[18] Wiesehöfer, Ancient Persia, p. 203. La remarque de D. Gutas, Greek Thought, Arabic Culture, p. 34, selon laquelle Bagdad se trouvait au moment de sa fondation au centre d’une région persanophone témoigne d’une méconnaissance complète du contexte historique et culturel.
[19] C’est la thèse de D. Gutas, Greek Thought, Arabic Culture, qui ne repose sur aucun fondement.
[20] Wiesehöfer, Ancient Persia, p. 211-214.
[21] Voir en particulier à ce sujet Dignas et Winter, Rome and Persia, p. 254-263, et Wiesehöfer, Ancient Persia, p. 201.
[22] La réalité de ce voyage a été mise en doute, sans raisons vraiment probantes, par M. Tardieu, Les paysages reliques, p. 130-132.
[23] Voir Genequand, « Idolâtrie, astrolâtrie et sabéisme ».
[24] Voir Genequand, Alexander of Aphrodisias On the Cosmos.
[25] Sur tout ceci voir Hugonnard-Roche, « La tradition gréco-syriaque ».
[26] Voir Calzolari, «David et la tradition arménienne».
[27] C’est l’expression utilisée par G. Saliba dans la version quelque peu caricaturale qu’il donne de ce phénomène pour en contester l’importance. Sa principale objection porte sur le caractère élémentaire des ouvrages attestés pour ces « poches ». Mais si l’objection est valide, elle ruine du même coup sa propre théorie (voir ci-dessous) qui expliquerait dans le meilleur des cas qui a traduit les textes grecs, mais non d’où les traducteurs tenaient les connaissances scientifiques approfondies sans lesquelles leur accomplissement n’est pas concevable.
[28] La publication la plus récente à ce sujet est celle de M. Maróth citée dans la bibliographie.
[29] L’expression « voie diffuse », couplée à celle de « voie érudite », est de P. Thillet dans « Sagesse grecque et philosophie musulmane ».
[30] Al-Kindī, Sur la philosophie première, dans Œuvres philosophiques et scientifiques, p. 10-12.
[31] Bergsträsser, Hunain ibn Ishaq, p. 47 (arabe); p. 38 (allemand).
[32] Littéralement « registre ». Il s’agit en fait du cadastre avec l’estimation de l’impôt à payer sur les terres. Comme l’a montré Saliba, Islamic Science p. 53-57, la tenue du dīwān impliquait certaines connaissances mathématiques et astronomiques, mais celles-ci devaient être purement pratiques et de niveau assez élémentaire.